Thibault BONNIN, Fondateur de Baucis
Pourquoi le kimono ? 

Le kimono, pour moi, c’est un habit assez unique, qui représente un fin mélange entre audace et élégance, et plus particulièrement celles des femmes.

Ca me touche particulièrement car je n’ai pas vraiment grandi avec une figure paternelle ; j’ai été élevé par ma mère, entouré de femmes fortes qui ont sans doute déterminé mon rapport au beau et au vêtement.

Que ce soit par sa coupe ample, le obi, avec quoi l’associer, quand je voyais ma mère porter un kimono je la voyais dire « je suis belle et c’est effortless », c’est léger. J’ai eu envie que ce statement plus féminin, que cette force féminine, devienne aussi quelque chose de masculin.

Un éloge ?

Derrière lui, l’image de ma mère. Elle en met souvent, depuis que je suis plus jeune, ma mère. Et grâce à elle, tout ce vêtement a pris une symbolique qui m’est toute personnelle.

Derrière elle, l’image d’une femme combattive qui a élevé deux enfants seule. Derrière elle, l’image d’une femme ambitieuse qui a créé sa société de publicité, sans diplôme, à l’âge de 23 ans. Derrière elle, l’image d’une femme forte et rayonnante, tombée malade, mais qui voulait continuer à se sentir belle.
En habit de maison ou de soirée, ma mère a toujours été ce fin mélange d’une femme bousculée, et à la fois prête à ne jamais « lâcher le morceau », comme elle sait si bien le dire. Un besoin de résister et d’exister coûte que coûte qu’elle m’a transmis dès le plus jeune âge.
Je me souviens de toutes les crises dont elle a pu faire l’objet quand j’étais petit, jusqu’à ses cancers successifs, mais dont elle tâchait de me préserver le plus possible. Elle savait rester digne.
Le kimono était et demeure son habit de dignité, une seconde peau pour transfigurer les difficultés d’être. Elle a beau ne pas être japonaise, elle a choisi ce vêtement pour en faire son armure de gladiateur, de quinqua tabassée par la vie, mais qui ne s'est jamais résignée à ne pas vivre, ainsi qu’à ne plus plaire.
Pour elle, peut-être, car on n’échappe pas aux mythes structurants de l’enfance. Pour elle, peut-être, car je veux faire de sa féminité, une force masculine.